Les alternatives aux outils commerciaux sont principalement des logiciels libres . L’idée d’un tel programme fut lancée par Richard Stallman alors qu’il travaillait sur le système d’exploitation GNU au MIT en 1983. Stallman avait pour but de « ramener l’esprit de coopération qui avait prévalu autrefois dans la communauté hacker, quand la question de la propriété intellectuelle du code n’existait pas et que tous les codes sources s’échangeaient librement . » GNU donnera plus tard naissance au système Linux permettant à quiconque d’exploiter un ordinateur librement et gratuitement. En 1985, Stallman crée également la Free Software Foundation pour assurer une structure légale et financière à son projet. Il y définit les quatre libertés fondamentales que doit garantir un logiciel libre.
- liberté d’exécuter le programme pour tous les usages ;
- liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à ses besoins – ceci impliquant un code source ouvert ;
- liberté de redistribuer des copies, donc d’aider son voisin ;
- liberté d’améliorer le programme et de publier ses améliorations, pour en faire profiter toute la communauté, ceci impliquant également un code source ouvert .
Cette définition donne une éthique au logiciel, dès lors considéré comme un outil de libération détaché de toute logique commerciale .
Processing est un bon exemple d’application libre potentiellement employée pour le design graphique. Logiciel généraliste, il est avant tout destiné aux artistes réalisant des pièces interactives ou génératives via un langage de programmation dédié. Ce langage possède une syntaxe simple et le programme est facile à mettre en oeuvre. Il est fréquemment utilisé pour visualiser des données (graphisme d’information). Ce logiciel, malgré de grosses lacunes dans la gestion de la typographie, propose un tout nouvel espace d’expérimentation visuelle, où le design n’est plus WYSIWYG mais piloté par du code. Cette approche différente implique des processus de création différents et donc des propositions graphiques différentes.
Cependant, la définition de Stallman ne relève que de considérations éthiques. Prenons l’exemple de Scribus, un logiciel libre de mise en page. Ce n’est qu’une pâle copie d’InDesign version free software : où est alors l’intérêt graphique ? Moins efficace que son concurrent, ce programme est incompatible avec les formats de fichiers en vigueur et défaillant dans la production de fichiers PDF … Certes, on a toute liberté de l’améliorer puisqu’il est sous licence GNU, mais à quoi bon réinventer la roue ?
La vigilance est de mise afin que l’éthique logicielle ne prenne jamais le pas sur la production visuelle et que le statut d’auteur soit préservé de tout diktat idéologique. Les grandes firmes commerciales ont d’ailleurs contribué à l’établissement de normes standard ouvertes comme le PDF ou l’Opentype .
Graphiquement parlant, le libre ne présente pas d’autre intérêt que sa source ouverte qui autorise le façonnement personnalisé du programme par la modification de son code source . L’utilisateur peut ainsi intégrer les fonctions de son choix, mais aussi et surtout comprendre comment fonctionne son outil. Il évite ainsi de se voir « réduit à la situation d’usager ou de consommateur » et condamné à la passivité technique. Il s’agit de passer du statut de consommateur de logiciel à celui de créateur. Cette attitude libertaire et autonome est relayée par la culture hacker, également liée à l’univers DIY . Tel un tourneur qui façonne son outil pour tourner sa pièce comme il l’entend, un graphiste-hacker pourrait créer ses programmes à sa main, pour répondre à ses exigences propres, lesquelles participent de son statut d’auteur.